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Ces mots furent un coup de foudre pour Sophie. Son sang se glaça dans ses veines. Mistress Fitz-Patrick conservant plus de présence d’esprit, demanda à Honora de qui elle parloit.

« De qui je parle, madame ? eh ! des François. Ils sont débarqués au nombre de plus de cent mille, et ils vont nous ravir à toutes l’honneur et la vie. »

Un malheureux qui, dans une cité magnifique, ne possède qu’une chétive cabane, pâlit et tremble à la nouvelle d’un incendie voisin de sa demeure ; mais lorsqu’il voit que la flamme, en dévorant les palais superbes, a épargné son humble toit, il reprend ses sens et s’applaudit de son bonheur ; ou, pour employer une comparaison qui nous plaît davantage, une tendre mère, sur le faux bruit que son fils unique a péri dans un combat, tombe privée de connoissance et presque anéantie ; mais apprend-elle que ce cher enfant a échappé au trépas, et que la patrie n’a eu à regretter que douze cents braves ? elle recouvre la vie et le mouvement ; l’accablement du désespoir fait place aux doux transports de la tendresse maternelle, et le sentiment d’humanité que la mort de ces généreux guerriers eût excité, en d’autres circonstances, dans son cœur, y paroît entièrement éteint.

Ainsi Sophie, plus capable que personne de