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ville voisine. M. Fitz-Patrick me faisoit payer cher cet innocent plaisir. J’étois obligée d’endurer ses mauvais traitements, j’entends quand il étoit au logis ; car il alloit souvent passer un mois de suite à Dublin. Une fois, il en passa deux à Londres. Je m’applaudissois de ce qu’il ne lui prenoit pas fantaisie de m’emmener avec lui dans ses voyages. C’étoit à quoi il ne songeoit guère. Ses plaisanteries habituelles sur les hommes qui ne peuvent voyager sans traîner une femme à leur suite, m’avertissoient même que j’aurois en vain témoigné le désir de l’accompagner : mais Dieu sait que ce désir étoit bien loin de ma pensée.

« Le lieutenant changea de garnison. La perte de mon amie me replongea dans la solitude et dans la mélancolie. Les livres devinrent ma seule consolation. Je lisois presque tout le jour. Combien croyez-vous que je dévorai de volumes dans l’espace de trois mois ?

— Mais je ne puis le deviner, une douzaine peut-être ?

— Une douzaine ! cinq cents, ma chère. Je lus l’Histoire de France de Daniel, les vies de Plutarque, l’Atlantide, l’Homère de Pope, le théâtre de Dryden, Chillingworth, la comtesse d’Aulnoy, l’essai sur l’entendement humain de Locke, etc.

« Durant cet intervalle, j’écrivis à ma tante trois lettres respectueuses, et que je croyois pro-