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pres à la toucher. Elle ne répondit à aucune. Ma fierté ne me permit pas de l’implorer davantage. »

Ici mistress Fitz-Patrick s’arrêta, et regarda fixement sa cousine. « Il me semble, ma chère, lui dit-elle, que je lis dans vos yeux un reproche ; c’est de ne pas m’être adressée à une amie qui m’eût payée d’un autre retour.

— Vos malheurs, ma chère Henriette, m’ôtent le droit de vous faire aucun reproche. N’ai-je pas commis moi-même envers vous une faute semblable, sans pouvoir en alléguer une excuse aussi plausible ? mais continuez, de grace, il me tarde, et je tremble en même temps, d’apprendre la fin de votre histoire. »

« Mon mari, reprit mistress Fitz-Patrick, fit un second voyage en Angleterre, où il resta plus de trois mois. Pendant son absence, je menai une vie si triste, que le souvenir d’une existence plus fâcheuse encore pouvoit seul me la rendre supportable ; car un esprit sociable comme le mien ne sauroit s’accommoder de la solitude, qu’autant qu’elle le délivre de l’objet de sa haine. La mort de mon enfant vint accroître mon affliction ; non que j’eusse pour lui cette tendresse passionnée dont j’aurois été, je crois, capable s’il fût né sous d’autres auspices ; mais j’avois résolu de remplir exactement les devoirs de mère,