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l’arrivée imprévue d’une personne qu’il étoit inutile de nommer. Mais à quoi bon vous cacher, dit-elle, ce qui n’est déjà que trop connu ? Mon mari a failli me rattraper en chemin ; j’ai eu le bonheur de lui échapper, et je me rends maintenant à Londres avec cette jeune dame, ma proche parente, qui s’est soustraite comme moi au joug d’un tyran, non moins cruel que le mien.

Le lord concluant de là que ce tyran étoit encore un mari, prodigua les compliments aux deux dames, et n’épargna pas les invectives contre son propre sexe. Il se permit en outre d’attaquer indirectement l’institution même du mariage, et l’injuste pouvoir qu’elle donne à l’homme sur la plus sensible et la meilleure moitié de l’espèce humaine. Il termina cette satire par l’offre de sa protection et de son carrosse à six chevaux. Mistress Fitz-Patrick l’accepta sans balancer, et la fit agréer aussi à sa cousine.

Ces arrangements pris, le lord se retira, et les dames se mirent au lit. Mistress Fitz-Patrick entretint Sophie des brillantes qualités du noble pair, et s’étendit avec complaisance sur son extrême tendresse pour sa femme, le citant comme un modèle presque unique de fidélité conjugale, dans un si haut rang. « Oui, ma chère Sophie, ajouta-t-elle, cette vertu est bien rare parmi les gens de qualité. N’y comptez pas, quand vous