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tour à tour un des chevaux du lord, sur lequel on mit une selle de femme.

Les dames ayant acquitté le mémoire de leur dépense, renvoyèrent leurs premiers guides. Sophie eut la bonté de faire à l’hôte un petit présent pour le consoler, tant des contusions que sa chute lui avoit causées, que des égratignures et des coups de poing d’Honora. Elle s’aperçut en ce moment d’une perte qui lui fut assez sensible ; c’étoit celle du billet de banque de cent livres sterling que son père lui avoit donné la dernière fois qu’elle l’avoit vu, et qui composoit, avec quelques guinées, son unique trésor. Elle visita tous les coins de la chambre, tous ses effets, mais en vain. Le billet ne se retrouva pas. Elle demeura convaincue qu’elle l’avoit perdu dans le chemin obscur où elle étoit tombée de cheval en s’efforçant, comme nous l’avons dit, de tirer son mouchoir de sa poche pour obliger sa cousine.

Un malheur de ce genre, quelque inconvénient qu’il en résulte, si l’avarice ne s’y mêle, ne sauroit abattre une ame douée d’une certaine énergie. Sophie surmonta bientôt le chagrin que lui causoit cet accident, et rejoignit la compagnie avec sa gaîté ordinaire. Le lord conduisit les dames à son carrosse ; il fit la même politesse à mistress Honora : celle-ci, après bien des compliments et des façons, céda enfin aux instances