Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 3.djvu/169

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

voir ce qui s’offre à nos regards, et d’en tirer des conséquences : double opération qui ne demande que des yeux et une dose commune de bon sens. Ce second genre de soupçon est aussi ennemi du crime que le premier l’est de l’innocence. On l’excuse, lors même que par un effet de la foiblesse humaine, il s’égare dans ses conjectures. Qu’un mari, par exemple, surprenne sa femme sur les genoux, ou dans les bras d’un de ces jeunes roués qui professent l’art de la séduction, le blâmerons-nous d’en croire un peu plus qu’il n’en voit, et de mal interpréter des familiarités qu’une excessive indulgence pourroit seule traiter de libertés innocentes ? Le lecteur imaginera sans peine un grand nombre de méprises aussi plausibles. Nous ajouterons que, sans trop blesser la charité chrétienne, on peut soupçonner quelqu’un d’être capable de faire ce qu’il a déjà fait, et de commettre une seconde faute, quand il en a commis une première. Sophie, nous le croyons, donnoit accès dans son esprit à ce soupçon. Elle pensoit que sa cousine n’étoit pas plus sage qu’il ne falloit.

Voici le fait. Mistress Fitz-Patrick, en personne sensée, avoit observé que dans le monde la vertu d’une femme court le même risque qu’un pauvre lièvre, qui ne sauroit se hasarder dans la plaine, sans y rencontrer des ennemis. Dès qu’elle eut