Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 3.djvu/170

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formé le projet de renoncer à la protection de son mari, elle résolut d’en chercher une autre : or, pouvoit-elle en choisir une meilleure que celle d’un seigneur distingué par sa naissance, par son rang, par sa fortune, d’un généreux chevalier qui, outre le zèle naturel à son sexe pour la défense des belles affligées, lui avoit donné toutes les preuves possibles du plus vif attachement ?

Mais les lois ayant imprudemment omis de créer la charge de vice-mari, ou de tuteur d’une femme échappée du lien conjugal, et la malignité se plaisant à l’appeler d’un nom moins honorable, on convint que le lord rendroit en secret à la dame les bons offices d’un protecteur, sans en jouer publiquement le rôle. Afin de prévenir même toute espèce de soupçon, il fut arrêté qu’elle iroit droit à Bath, et le lord, à Londres, d’où il viendroit la rejoindre, sous prétexte de prendre les eaux pour sa santé.

Sophie apprit cet arrangement, non par une confidence positive, ou par quelque imprudence de mistress Fitz-Patrick, mais par l’indiscrétion du lord, beaucoup moins habile que la jeune dame à garder un secret. Peut-être aussi le silence que celle-ci avoit gardé sur ce sujet dans le récit de son histoire, contribuoit-il beaucoup à fortifier les doutes de sa cousine.