Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 3.djvu/174

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ma réputation ; car il ne faut pas compter pour rien qu’un auteur supprime des traits d’érudition qu’il a sous la main, et qu’il ne lui coûteroit que la peine de transcrire. »

Remplir un ouvrage de bribes savantes, c’est tendre un piége à la bonne foi des érudits qui, dupes de l’artifice, achètent en détail ce qu’ils possèdent déjà, sinon dans leur mémoire, du moins sur leurs tablettes ; c’est abuser encore davantage de la simplicité des ignorants, auxquels on fait payer ce qui ne peut leur servir de rien. Un écrivain, en chamarrant son livre de grec et de latin, en use avec les jolies femmes et les petits-maîtres, de la même façon que les huissiers-priseurs avec le public. Ils ont coutume de composer les lots, dans les ventes, de manière qu’un amateur, pour avoir l’objet qu’il désire, est obligé d’en acheter plusieurs dont il n’a nulle envie.

Cependant comme il n’est pas de conduite si noble et si désintéressée qu’elle soit, que l’ignorance ne dénature, et que la malignité n’envenime, nous avons été tenté plus d’une fois de sauver notre réputation aux dépens du lecteur, et de transcrire l’original, ou de citer au moins le chapitre et le vers, lorsque nous empruntions à quelque auteur, une pensée, ou une expression. Nous craignons même de nous être fait tort en