Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 3.djvu/188

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lain qu’on débarrasse de ses entraves, et qu’on laisse errer librement dans la prairie.

Le sujet qui l’intéressoit le plus lui étant interdit, il se jeta sur celui qui occupoit la seconde place dans son esprit ; c’étoit le vieillard de la montagne. « Certainement, monsieur, dit-il, on n’a jamais vu d’homme s’habiller et vivre d’une façon si extraordinaire. Au dire de la vieille, il ne mange habituellement que des herbes : ce qui est plutôt la nourriture d’une bête que d’un chrétien. S’il faut en croire l’aubergiste d’Upton, ses voisins ont d’étranges idées sur son compte. Tenez, monsieur, je ne puis m’ôter de la tête que c’est quelque esprit envoyé d’en haut pour notre salut. Qui sait si tout ce qu’il nous a dit de la bataille où il s’est trouvé, de sa prison, du danger qu’il a couru d’être pendu, n’est pas un avertissement du ciel de renoncer à notre dessein ? Ajoutez à cela que toute la nuit dernière je n’ai rêvé que combats. Il me sembloit que le sang couloit de mon nez, comme le vin d’un robinet. Ah ! mon cher maître,

Infandum, regina, jubes renovare dolorem[1].

— Ton histoire, Partridge, répondit Jones, vient aussi hors de propos que ton latin. Rien de plus ordinaire, assurément, que de trouver la mort

  1. Vous m’ordonnez, ô reine, un récit douloureux.