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tune, qui dans tous ses voyages ne lui avoit jamais fourni une pareille occasion de montrer sa délicatesse. Au bout de trois milles, essoufflé et baigné de sueur, il pria son maître de ralentir un peu le pas. Jones y consentit d’autant plus volontiers, qu’il venoit de perdre la trace des chevaux que le dégel lui avoit permis de suivre jusque-là, et qu’il entroit dans une vaste plaine, traversée par plusieurs routes.

Comme il hésitoit sur le choix, le son d’un tambour se fit entendre tout-à-coup, à peu de distance. Cette musique excita aussitôt les alarmes de Partridge. « Bon Dieu ! s’écria-t-il, les voilà qui approchent !

— De qui parles-tu ? répondit froidement Jones dont l’esprit, depuis la rencontre du mendiant, n’étoit occupé que de la douce pensée de Sophie.

— De qui ? eh ! des rebelles. Mais pourquoi les nommer rebelles ? ils peuvent être de très-honnêtes gens. Rien ne me porte à croire le contraire. Au diable celui qui songe à les offenser. S’ils ne m’en veulent point, je ne leur en veux pas non plus, et je suis prêt à les traiter poliment. Pour l’amour de Dieu, monsieur, ne les insultez pas : peut-être ne nous feront-ils point de mal. Mais monsieur, ne seroit-il pas plus prudent de nous cacher là-bas dans ces buissons, jusqu’à ce qu’ils soient passés ? Que peuvent deux hommes sans