Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 3.djvu/223

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de la langue, arme dont il se servoit aussi bien que lui. Après une bordée d’injures générales, il en vint à des accusations particulières. « Que l’enfer vous confonde, scélérat ! s’écria-t-il. Non-seulement je vous fais vivre, puisque c’est à moi que vous devez l’argent que vous gagnez, mais encore je vous ai sauvé de la potence. Souvenez-vous de la dame à qui vous aviez envie de voler son bel habit, pas plus tard qu’hier, dans le chemin creux, à deux pas d’ici. Nierez-vous que vous auriez voulu la tenir seule dans un bois pour la dépouiller, pour dépouiller inhumainement une des plus jolies femmes du monde ? et vous me chargez de coups, vous m’assassinez presque, sans que j’aie fait le moindre mal à une fille qui étoit d’aussi bonne volonté que moi ; tout cela, par la seule raison qu’elle m’a préféré à vous. »

Jones n’eut pas plus tôt entendu ces mots, qu’il lâcha le joueur de marionnettes auquel il défendit expressément de maltraiter davantage le paillasse. Il emmena ensuite ce dernier dans sa chambre, et ne tarda pas à savoir par lui des nouvelles de sa chère Sophie. Le paillasse en accompagnant son maître, avec son tambour, l’avoit vue passer, la veille, à côté de lui. Jones l’engagea, sans difficulté, à le conduire au lieu où il l’avoit rencontrée ; après quoi, résolu de