Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 3.djvu/245

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accident vint encore l’augmenter. Le pédagogue tomba lourdement de cheval ; cependant il en fut quitte pour être couvert de boue depuis les pieds jusqu’à la tête. À peine relevé sur ses jambes, il tira de sa chute une nouvelle preuve de la vérité de ses pressentiments. Jones voyant qu’il ne s’étoit fait aucun mal, lui répondit en riant : « Votre prétendue sorcière, Partridge, est une ingrate. Elle ne distingue pas, dans son ressentiment, ses amis de ses ennemis. Quand mon refus auroit excité sa colère, devoit-elle vous faire tomber de cheval, vous qui montrez tant de respect pour elle ?

— Il ne faut pas, monsieur, reprit Partridge, se moquer de gens qui ont un tel pouvoir ; car ils sont souvent très-méchants. Je me souviens d’un maréchal qui offensa une de ces sorcières, en lui demandant à quelle époque finiroit son pacte avec le diable ; et à trois mois de là, jour pour jour, sa plus belle vache se noya. Ce n’est pas tout. Peu de temps après, le maréchal voulant régaler quelques-uns de ses voisins, mit en perce un tonneau de sa meilleure bière. Pendant la nuit la sorcière lâcha le robinet, et toute la liqueur se répandit dans le cellier. Enfin, depuis ce temps, rien ne réussit au pauvre homme. Dans son désespoir il s’adonna à la boisson. Au bout d’un an ou deux on saisit son mobilier, et il est