Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 3.djvu/259

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

dans les bornes de la raison ; assez de sagesse pour sentir son propre bonheur ; assez de bonté pour souffrir celui des autres, quand, loin de nuire au sien, il y contribue.

Si un prince avec de telles qualités peut devenir le bienfaiteur de l’humanité, on conviendra que sans elles il doit en être le fléau.

La religion nous offre dans la peinture du ciel et de l’enfer une image sensible des biens et des maux qui peuvent naître du pouvoir absolu. Quoique le prince des ténèbres n’ait d’autre puissance que celle qu’il tient originairement de Dieu, l’Écriture nous enseigne qu’il jouit dans son noir empire d’un pouvoir absolu, et que l’Éternel n’a communiqué cet excès de pouvoir qu’à lui seul. Si donc les divers despotes qui oppriment le monde prétendent s’appuyer sur une autorité divine, leur droit ne sauroit venir que de la concession primitive faite au monarque infernal ; et ces puissances inférieures sont filles de celui dont elles portent si évidemment l’empreinte.

Comme il est démontré par l’histoire de tous les siècles, que les hommes n’aspirent, en général, au pouvoir que pour faire le mal, et qu’ils ne l’emploient qu’à cet usage, quand ils l’ont obtenu, ce seroit une haute folie de nous exposer aux chances d’un gouvernement où nous n’au-