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Jones se mit alors à vanter d’un ton sérieux le bonheur d’un peuple soumis à un pareil magistrat. Son bonheur étoit effectivement si parfait, qu’il est à craindre que quelque avocat du pouvoir arbitraire ne le cite, un jour, comme une preuve de la supériorité du gouvernement bohémien sur tous les autres.

Nous ferons ici une concession qu’on n’attend probablement pas de nous ; c’est qu’aucune forme de gouvernement tempéré n’est susceptible de recevoir le même degré de perfection, ou de procurer à la société les mêmes avantages que le gouvernement absolu. Jamais le genre humain n’a été aussi heureux que dans le temps où la plus grande partie du monde connu obéissoit aux lois d’un seul maître. Cette félicité se perpétua sous les règnes consécutifs de cinq empereurs[1]. Ce fut là le véritable âge d’or, le seul qui, depuis l’expulsion d’Éden jusqu’à ce jour, ait existé ailleurs que dans l’imagination des poëtes.

Nous ne connoissons qu’une objection solide contre l’excellence de la monarchie absolue, c’est la difficulté de trouver un chef propre à en remplir les fonctions. Il faut dans ce cas que le monarque possède trois qualités extrêmement rares, si l’on en juge par l’histoire : assez de modération pour renfermer l’exercice de son pouvoir

  1. Nerva, Trajan, Adrien et les deux Antonin.