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cours à sa langue, rentra, comme on dit, dans sa coquille. Il témoigna du regret d’avoir laissé échapper involontairement quelques paroles offensantes pour son maître. « Mais, ajouta-t-il, nemo omnibus horis sapit[1]. »

Jones, avec tous les défauts d’un caractère bouillant, n’avoit aucun de ceux des tempéraments flegmatiques. Si ses amis étoient obligés d’avouer qu’il s’emportoit un peu trop aisément, ses ennemis devoient convenir qu’il n’étoit pas moins prompt à s’apaiser : bien différent de la mer, dont les vagues ne cessent point d’être violentes et dangereuses, même après la tempête. Il agréa sur-le-champ les excuses de Partridge, lui serra la main, l’assura de son amitié, et se fit à lui-même mille reproches, mais encore moins peut-être que ne lui en feront beaucoup de nos honnêtes lecteurs.

Partridge se sentit soulagé d’un grand poids. Sa crainte d’avoir offensé son maître étoit dissipée, et il jouissoit avec orgueil de l’aveu que Jones avoit fait de ses torts, aveu qu’il ne manquoit pas de rapporter au trait qui l’avoit le plus blessé. « Certainement, monsieur, marmotta-t-il entre ses dents, vous pouvez être, à quelques égards, plus instruit que moi ; mais quant à la

  1. Nul n’est sage à toute heure du jour.