Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 3.djvu/275

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moins criminel d’ôter à quelqu’un sa bourse que la vie. Malgré cela, il est bien dur que d’honnêtes gens ne puissent voyager pour leurs affaires, sans être exposés aux attaques de ces brigands. Mieux vaudroit que les coquins fussent tous pendus au bord du grand chemin, que de voir un seul honnête homme victime de leur rapacité. Je ne voudrois pas, je l’avoue, tremper mes mains dans le sang d’aucun d’eux ; mais c’est aux lois à en faire justice. Quel droit un homme a-t-il de me prendre, ne fût-ce que six pences, contre mon gré ? Est-ce là une action honnête ?

— Pas plus honnête, répliqua Jones, que celle de prendre des chevaux dans une écurie, ou de garder l’argent qu’on trouve, et dont on connoît le vrai propriétaire. »

Cette maligne allusion ferma la bouche à Partridge. Il ne la rouvrit que pour répondre aux plaisanteries que lui fit Jones sur sa poltronnerie, et chercha une excuse dans la supériorité des armes à feu. « Mille hommes sans armes, dit-il, ne sauroient tenir contre un pistolet. Chaque coup, à la vérité, ne peut tuer qu’un individu ; mais qui m’assurera que cet individu ne sera pas moi ? »