Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 3.djvu/277

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rance de charmer les siècles futurs. Prédis-moi qu’un jour, quelque jeune beauté dont l’aïeule est encore à naître, en voyant sous le nom imaginaire de Sophie, la peinture du mérite réel de ma Charlotte, poussera par sympathie un tendre soupir. Apprends-moi à sentir, à goûter, à savourer dans l’avenir le parfum des louanges. Anime mon courage par l’assurance solennelle, que quand j’aurai passé de la petite salle basse où j’écris maintenant, dans l’obscure et froide prison du cercueil, je serai lu, honoré de ceux qui ne m’ont ni vu, ni connu, et que je ne verrai, ni ne connoîtrai jamais.

[1]Je t’invoque aussi, divinité beaucoup mieux nourrie, qui ne te revêts point d’une forme aérienne, qui tressailles de plaisir à l’aspect d’un aloyau cuit à point et d’un pudding bien assaisonné, toi qu’enfanta dans une barque, sur un canal hollandois, l’épaisse moitié d’un lourd marchand d’Amsterdam. Tu puisas à l’école de Grub-Street[2] les premiers éléments de ta science. Là dans un âge plus mûr, tu appris à la poésie à

  1. Le commencement de ce passage est fort obscur ; mais la suite montre assez que c’est le Lucre que l’auteur a voulu peindre, sous les traits de cette divinité matérielle et de mauvais goût.Trad.
  2. Rue de Londres, dans Moorfields, habitée originairement par un grand nombre d’auteurs de petits contes, de dictionnaires, de poëmes de circonstances : ce qui a fait donner le nom de Grub-Street à toute production littéraire de peu de mérite.Trad.