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nier, sous le nom de gens d’esprit et de plaisir : et ils méritoient bien ce double titre ; car l’usage veut qu’on désigne les hommes par leur profession : or ils n’en avoient point d’autre que le plaisir. La fortune les avoit dispensés de toute espèce de travail. Le théâtre, les cafés, les tavernes, étoient leurs lieux de rendez-vous ; les traits d’esprit, les bons mots, la fine plaisanterie, amusoient leurs loisirs ; l’amour faisoit la seule occupation sérieuse de leur vie. Les Muses et le vin allumoient à l’envi dans leur sein les plus vives flammes. Admirateurs passionnés de la beauté, quelques-uns d’entre eux possédoient le talent de la chanter en vers ingénieux, et tous savoient apprécier le mérite de ces légères productions. C’étoit donc avec raison qu’on les appeloit des gens d’esprit et de plaisir.

Nous doutons fort qu’on puisse donner convenablement ce nom aux jeunes gens de nos jours qui ont l’ambition de se distinguer du vulgaire. Ce n’est pas certainement par l’esprit qu’ils brillent. Pour leur rendre justice, ils s’élèvent d’un degré plus haut que leurs devanciers, et l’on peut les appeler des hommes de sens et de capacité. À un âge où les premiers passoient leur temps à célébrer à table les charmes d’une femme, ou à composer des sonnets en son honneur ; à décider du mérite d’une comédie au théâtre, ou d’un