Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 3.djvu/334

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voir. Combien j’ai été émue en entendant le petit malheureux, à peine âgé de sept ans, dire à sa mère qui le baignoit de ses larmes : « Maman, console-toi, je t’assure que je ne mourrai pas. Le bon Dieu ne t’ôtera pas Tommy. Quelque beau que soit le ciel, j’aime mieux mourir ici de faim avec toi et papa, que d’y aller. » Pardonnez-moi, messieurs, je ne puis retenir mes pleurs (dit-elle en essuyant ses yeux). Quelle sensibilité dans un enfant ! Cependant c’est peut-être le moins à plaindre de toute sa famille. Un jour, ou deux, suivant les apparences, le mettront à l’abri des misères humaines. Le père est bien plus digne de pitié. L’infortuné ! l’horreur se peint dans sa physionomie. Il paroît plus mort que vif. Ô ciel ! quel spectacle a frappé mes regards quand je suis entrée dans la chambre ! Assis au chevet du lit, le pauvre homme soutenoit à la fois la tête de son enfant et celle de sa femme. Il n’avoit pour tout vêtement qu’une veste légère. Son habit étendu sur eux leur tenoit lieu de couverture. Il s’est levé, à mon arrivée. J’ai eu peine à le reconnoître. C’étoit, il y a quinze jours, M. Jones, un des plus beaux hommes qu’on pût voir ; M. Nightingale vous l’attestera ; et maintenant ses yeux creux, son visage pâle, sa longue barbe, son corps tremblant de froid et amaigri par la faim, en font un objet digne de compassion. Ma