Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 3.djvu/338

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Mistress Miller ne répondit rien. Nancy, à qui sa mère avoit conté tout bas l’action généreuse de Jones, changea de couleur. Si pourtant l’une ou l’autre se sentoit blessée de la conduite de Nightingale, c’étoit sans raison. La libéralité de Jones, quand même il l’eût connue, n’étoit point un exemple qu’il fût obligé de suivre : bien des gens n’auroient pas donné un sou ; et dans le fait il n’en donna pas un. Comme on ne lui fit aucune demande formelle, il ne renouvela point son offre, et garda son argent dans sa poche.

Nous avons fait une remarque qui ne peut être mieux placée qu’ici : le monde se partage en deux opinions diamétralement opposées, sur la charité. Les uns paroissent croire que tout acte de cette nature doit être réputé un don volontaire, et que le plus mince, un simple Dieu vous bénisse ! est très-méritoire. Les autres, au contraire, semblent convaincus que la charité est une obligation rigoureuse ; que les riches qui ne soulagent point la misère du pauvre, en proportion de leur fortune, ne remplissent qu’à moitié leur devoir, et se rendent en quelque sorte plus méprisables que ceux qui le négligent complétement.

Sans prétendre concilier ces deux opinions, nous nous contenterons de dire, qu’en général ceux qui donnent sont de la première, et ceux qui reçoivent, de la seconde.