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sir de secourir leurs semblables, je les plains. Ils sont privés d’une jouissance bien supérieure à toutes celles que procurent l’ambition, l’avarice et la volupté. »

L’heure du rendez-vous étant arrivée, Jones fut forcé de partir à la hâte. Il serra cordialement la main d’Anderson, témoigna le désir de le revoir le plus tôt possible, et promit de saisir lui-même la première occasion de lui faire une visite. Il monta ensuite dans sa chaise et se rendit chez lady Bellaston, ravi du bonheur qu’il avoit procuré à une pauvre famille. Il ne put penser sans frémir au coup affreux dont elle auroit été frappée, si, lorsque Anderson l’attaqua sur la grande route, il eût fermé son cœur à la pitié, pour n’écouter que la voix de la justice.

Mistress Miller, pendant toute la soirée, ne tarit point sur les louanges de Jones. Anderson se joignit à elle, et avec tant de chaleur, qu’il fut plus d’une fois sur le point de découvrir le mystère du vol. Heureusement il évita une indiscrétion dangereuse. Il connoissoit la délicatesse de mistress Miller, et la sévérité de ses principes. Il savoit aussi que la bonne femme aimoit assez à babiller. Cependant la reconnoissance faillit l’emporter sur la prudence et sur la honte. Peu s’en fallut que dans la crainte d’omettre une circonstance si honorable pour son bienfaiteur, il ne