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s’étoit estimée heureuse de pouvoir sortir de la salle et gagner sa chaise, sous la protection d’un jeune homme qui lui avoit offert son bras.

Comme lady Bellaston lui avoit dit qu’elle ne reviendroit que tard, elle entra d’un pas précipité dans le salon, croyant n’y trouver personne, et alla droit à une glace placée presque en face d’elle, sans regarder du côté opposé, où Jones étoit debout, aussi immobile qu’une statue. Ce fut dans cette glace qu’après avoir contemplé sa charmante figure, elle aperçut pour la première fois celle de son amant. Elle se retourna aussitôt. Convaincue que ce n’étoit point une illusion, elle jeta un cri perçant, et elle alloit s’évanouir, quand Jones, sortant de son extase, courut à elle et la soutint dans ses bras.

Comment peindre les regards de ces deux amants ? comment rendre leurs pensées ? Incapables d’exprimer les vives sensations qu’ils éprouvoient, ils se turent tous deux. Nous ne saurions suppléer à leur silence ; et malheureusement peu de nos lecteurs connoissent assez les transports de l’amour, pour juger par eux-mêmes de ce qui se passoit dans leurs cœurs.

Au bout de quelques moments, Jones hasarda ces mots d’une voix tremblante : « Je vois, mademoiselle, que vous êtes surprise.

— Surprise ! répéta Sophie. Ô ciel ! assurément