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je le suis. J’en crois à peine mes yeux. Est-ce bien vous ?

— Oui, ma Sophie (pardonnez-moi, mademoiselle, si j’ose encore vous appeler ainsi), je suis cet infortuné Jones que le sort, après tant de traverses, a daigné conduire enfin près de vous. Ô ma Sophie ! si vous saviez tout ce que j’ai souffert dans ma longue et infructueuse recherche !

— Dans quelle recherche ? dit Sophie, un peu remise de son trouble, et prenant un air réservé.

— Pouvez-vous être assez cruelle pour me faire cette question ? Ai-je besoin de vous dire que c’est vous seule que je cherchois ?

— Moi ! Quelle affaire importante M. Jones a-t-il à me communiquer ?

— Ceci, dit-il en lui remettant le portefeuille, ne seroit pas sans importance aux yeux de quelques personnes. J’espère, mademoiselle, que vous le retrouverez tel qu’il étoit, lorsque vous l’avez perdu. »

Sophie prit le portefeuille et se disposoit à répondre, quand Jones la prévint : « Je vous en conjure, dit-il, ne perdons pas un des moments précieux qu’il a plu à la fortune de nous accorder… Ô ma Sophie ! j’ai sur le cœur un poids cruel… Souffrez que j’implore ma grace à vos genoux.