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— Votre grace, monsieur ? Après ce qui s’est passé, après ce qu’on m’a dit de vous, pouvez-vous l’espérer ?

— Ma raison s’égare. J’en jure par le ciel, à peine désiré-je que vous me pardonniez. Ô ma Sophie ! gardez-vous désormais d’honorer d’une pensée un malheureux tel que moi. Si par hasard mon image importune vient troubler un moment votre repos, songez à l’indignité de ma conduite, et que la fatale aventure d’Upton m’efface pour jamais de votre souvenir. »

Tandis que Jones parloit ainsi, Sophie éprouvoit un tremblement universel. Son visage étoit pâle comme la mort et son sein agité de palpitations visibles ; mais au nom d’Upton, une vive rougeur colora ses joues, elle releva les yeux qu’elle avoit tenus baissés jusque-là, et jeta sur Jones un regard de dédain.

Il entendit ce reproche muet. « Ô ma Sophie ! s’écria-t-il, ô mon unique amour ! vous ne pouvez me haïr, ou me mépriser plus que je ne le fais moi-même pour ce qui s’est passé à Upton. Rendez-moi pourtant la justice de croire que mon cœur ne vous fut point infidèle, qu’il n’eut aucune part à mon égarement, qu’alors même il ne cessa point d’être à vous. Oui, quoique privé de l’espérance de vous posséder, et presque de vous revoir, je ne pensois qu’à vous. Votre image