Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 3.djvu/355

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neur ? Comment avez-vous pu exposer mon nom à la malignité publique, dans des auberges, devant des gens du plus bas étage, vous y vanter de quelques faveurs innocentes que mon imprudente tendresse vous a peut-être trop légèrement accordées, et pousser l’audace jusqu’à dire que vous aviez été forcé de vous dérober par la fuite à ma passion pour vous ? »

Ces reproches de Sophie causèrent à Jones une surprise inexprimable. Mais n’étant point coupable sur ce point, il fut beaucoup moins embarrassé de se défendre, que si elle eût touché le sujet délicat qui avoit alarmé sa conscience. Un moment de réflexion lui suffit pour deviner, que le soupçon d’un si sanglant outrage à l’honneur de sa maîtresse provenoit de l’indiscrétion de Partridge dans les auberges, en présence des maîtres et des valets ; et Sophie convint que c’étoit en effet de leur bouche qu’elle avoit recueilli ces propos injurieux.

Jones eut peu de peine à se disculper d’une offense si éloignée de son caractère ; mais Sophie en eut beaucoup à l’empêcher de retourner sur-le-champ chez lui pour assommer Partridge, dessein qu’il jura plus d’une fois d’exécuter. Ce point éclairci, nos deux amants furent bientôt enchantés l’un de l’autre. Jones oublia la prière qu’il avoit d’abord faite à Sophie de ne plus penser à