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de dire sa façon de penser. L’ayant obtenue, il s’exprima en ces termes :

« Monsieur, suivant un ancien et judicieux proverbe, un sage peut quelquefois recevoir d’un fou, de bons avis. Souffrez donc que je prenne la liberté de vous en donner un : c’est de retourner au logis, et de laisser ces horrida bella[1] aux misérables qui se contentent d’avaler de la poudre à canon, faute d’une nourriture plus succulente. Chacun sait que votre seigneurie a chez elle toutes les commodités de la vie : cela étant, qu’a-t-elle besoin de courir le monde ?

— Partridge, répondit Jones, tu es un franc poltron. Retourne chez toi, si tu le veux, et ne m’importune pas davantage.

— Excusez-moi, monsieur, je parlois moins dans mon intérêt que dans le vôtre. Un malheureux comme moi n’a rien à perdre. Loin d’avoir peur, je ne crains pas plus un pistolet, une arquebuse, un canon, qu’un fusil d’enfant. Puisqu’il faut mourir une fois, qu’importe quand et comment ? Peut-être d’ailleurs en serai-je quitte pour la perte d’un bras, ou d’une jambe. Je vous assure, monsieur, que je ne me suis jamais senti plus de cœur ; et si votre seigneurie a résolu d’aller en avant, je suis décidé à la suivre ; mais je demande la permission de dire mon avis. C’est

  1. Horribles guerres.