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ensuite de la chercher dans toutes les allées du parc, et se rassit tranquillement.

Jamais deux caractères ne furent plus opposés que ceux du frère et de la sœur sous une infinité de rapports, et particulièrement en un point. Le frère ne prévoyoit rien, mais il étoit doué d’un admirable talent pour saisir les choses au moment où elles arrivoient. La sœur, au contraire, prévoyoit tout, et ne voyoit rien de ce qui se passoit sous ses yeux. On a déjà pu observer plusieurs exemples de ce contraste. Il étoit excessif dans l’un et dans l’autre. La sœur prévoyoit souvent ce qui ne devoit point arriver, et le frère voyoit d’ordinaire beaucoup plus que la réalité.

Il ne se trompa pourtant point cette fois-ci : Sophie n’étoit pas plus dans le parc, que dans sa chambre. L’écuyer sortit alors lui-même, et appela sa fille d’une voix aussi forte, aussi éclatante que celle d’Hercule, lorsqu’il appeloit jadis son cher Hylas : et comme Ovide nous apprend que tout le rivage résonnoit du nom de ce bel adolescent, ainsi les cris aigus des femmes se mêlant aux rauques accents des hommes, le château, le parc, tous les champs d’alentour répétèrent celui de Sophie. Écho sembloit prendre tant de plaisir à redire ce doux nom, que s’il existe réellement une telle divinité, nous