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tissant les fantômes de se préparer à commencer leur ronde nocturne : en langage vulgaire, minuit venoit de sonner ; toute la maison de l’écuyer étoit plongée dans l’ivresse et dans le sommeil, hors mistress Western, occupée à la lecture d’un pamphlet politique, et notre héroïne qui, après avoir descendu sans bruit l’escalier, et ouvert doucement une des portes du château, précipitoit ses pas vers le lieu où elle étoit attendue.

Malgré les petites ruses dont les femmes se servent dans les moindres occasions pour faire parade de leur peur (comme beaucoup d’hommes pour dissimuler la leur), on ne peut nier qu’il n’y ait un degré de courage qui sied bien au sexe, et sans lequel il ne sauroit quelquefois accomplir ses devoirs. Ce n’est point l’idée de courage, c’est celle de cruauté qui répugne à son caractère. Peut-on lire l’histoire de la célèbre Arrie, et n’être pas aussi touché de sa douceur et de sa tendresse, que de son intrépidité ? Telle femme, au contraire, se trouve mal à la vue d’une souris, qui seroit peut-être capable d’empoisonner son mari, ou, ce qui est plus affreux encore, de le réduire à la nécessité de s’empoisonner lui-même.

Sophie joignoit à la douceur naturelle de son sexe, le courage dont il manque d’ordinaire. Lorsqu’elle arriva à l’endroit convenu, et qu’au lieu de sa femme de chambre, elle vit venir à elle un