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le dissuader d’aller à la guerre : je lui ai dit qu’il ne manquoit pas de gens qui n’étoient bons qu’à se faire tuer, et qui n’avoient pas, comme lui, le bonheur d’être aimés de si belles dames.

— Certainement, dit Sophie, cette bonne femme extravague.

— Non, non, mademoiselle, je n’extravague point. Mademoiselle croit-elle que je ne sache rien ? Il m’a tout conté, je vous jure.

— Quel maraud, dit Honora, a osé tenir de pareils propos sur le compte de ma maîtresse ?

— Qu’appelez-vous maraud ? repartit l’hôtesse. Parlez mieux, je vous prie, du jeune gentilhomme dont vous me demandiez tout à l’heure des nouvelles. C’est un charmant cavalier, et il aime de tout son cœur mademoiselle Sophie Western.

— Il aime ma maîtresse ? Sachez, ma mie, que ce n’est pas un morceau fait pour lui.

— Honora, dit Sophie, ne grondez pas cette bonne femme, elle n’a point dessein de m’offenser.

— Oh ! sûrement non, » répliqua l’hôtesse enhardie par la douce voix de Sophie. Et elle enfila un long et ennuyeux récit, dont quelques endroits choquèrent un peu notre héroïne et beaucoup plus Honora, qui en prit occasion de déchirer le pauvre Jones, dès qu’elle fut seule avec sa maîtresse. « Vous avouerez, mademoiselle, dit-