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elle, qu’il faut être un misérable, et aimer bien peu une femme, pour profaner ainsi son nom dans un cabaret. »

Sophie ne jugeoit pas avec autant de rigueur la conduite de Jones. Elle étoit peut-être plus touchée des violents transports de son amour, que l’hôtesse avoit exagérés comme le reste, qu’offensée de son indiscrétion ; et elle imputoit le tout au délire de la passion, et à un excès de franchise.

Cet incident néanmoins, reproduit plus tard par Honora, et présenté sous un jour odieux, servit à donner plus de poids et de force à la malheureuse rencontre d’Upton, et seconda merveilleusement les efforts de la femme de chambre, pour engager sa maîtresse à quitter l’auberge, sans voir Jones.

Quand l’hôtesse se fut assurée que Sophie ne vouloit ni manger, ni boire, et que son intention étoit de repartir aussitôt que ses chevaux seroient prêts, elle se retira. Honora se permit alors de gronder sa maîtresse, liberté qu’elle prenoit assez volontiers. Elle lui rappela que Londres étoit le but de son voyage ; elle insista sur l’inconvenance de courir après un jeune homme, et termina sa harangue par cette grave apostrophe : « Au nom de Dieu, mademoiselle, songez à ce que vous faites, et où vous allez. »

Ce conseil, donné à une jeune personne qui