Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 4.djvu/171

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

intimes, et partageant son temps entre des pratiques de dévotion et la lecture des gazettes dont elle étoit fort avide. Une excellente santé, un tempérament ardent joint à de sévères principes de religion, lui faisoient une nécessité de se remarier ; et comme elle avoit pris son premier époux sur le choix de ses parents, elle résolut de prendre le second à son goût. Dans cette vue, elle écrivit la lettre suivante à Jones :

« Monsieur,

« Je crains que mes yeux ne vous aient dit trop clairement, dès le premier jour où je vous ai vu, que vous ne m’étiez point indifférent ; mais jamais je ne vous en aurois fait l’aveu, ni de vive voix, ni par écrit, si les dames chez qui vous logez ne m’avoient donné des preuves assez manifestes de votre vertu et de votre bonté, pour me convaincre que vous étiez à la fois le plus aimable et le meilleur des hommes. J’ai aussi la satisfaction de savoir par elles que ma figure, mon esprit et mon caractère ne vous déplaisent pas. Je possède une belle fortune ; elle suffit pour faire votre bonheur et le mien, et ne peut me rendre heureuse sans vous. En disposant ainsi de moi, je sais que j’encourrai la censure du monde ; mais si je ne vous aimois pas plus que je ne crains le monde, je ne serois pas digne de