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de bonne foi jusqu’à quel point vous êtes engagé.

— Vos réflexions sont justes, je suis forcé d’en convenir. Je dirai plus, je crains d’avoir fait une promesse de mariage.

— Et après cet aveu, vous pouvez hésiter un moment ?

— Écoutez, mon ami, vous connoissez les lois de l’honneur ; vous ne conseilleriez à personne de les enfreindre : or, mettant de côté toute autre considération, puis-je, sans me déshonorer, songer à épouser Nancy après l’éclat de son aventure ?

— Oui, sans doute, et le véritable honneur, qui n’est autre que la justice et l’humanité, vous y oblige. Puisque vous m’opposez un scrupule de cette nature, souffrez que je l’examine en peu de mots. Avez-vous pu, avec honneur, tromper une jeune personne par de faux semblants d’amour, et lui ravir traîtreusement son innocence ? Avez-vous pu, avec honneur, travailler sciemment, de plein gré, à sa ruine ? Pouvez-vous, avec honneur, détruire sa réputation, son repos, et selon toute apparence la priver de la vie et lui fermer le ciel ? L’honneur vous permet-il d’abandonner une jeune fille sensible, sans protection, sans défense, une jeune fille qui vous aime, qui vous adore, qui meurt pour vous, qui a mis dans vos promesses toute sa confiance, et dont la crédule