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— Mon ami, répondit Jones, vous connaissez mal Nancy. Vous avez pris sur son ame un tel empire, que c’est moins la perte de sa réputation qui l’afflige, que celle de son amant ; et son désespoir finira par être aussi funeste à sa famille qu’à elle-même.

— De mon côté, je vous le proteste, j’ai une si grande affection pour Nancy, que toute autre femme trouvera bien peu de place dans mon cœur.

— Comment donc pensez-vous à l’abandonner ?

— Eh que puis-je faire ?

— Demandez-le à miss Nancy, répartit Jones avec chaleur. Dans l’état où vous l’avez mise, c’est à elle, je vous le dis sans détour, à fixer la réparation qui lui est due. Oubliez votre propre intérêt, pour ne vous occuper que du sien. Vous me demandez ce que vous avez à faire ? le voici : remplissez l’attente de Nancy, celle de sa mère, et la mienne aussi, s’il faut vous parler franchement. Oui, j’ai partagé leur espoir dès le premier moment que je vous ai vus ensemble. Pardonnez, si ma compassion pour ces infortunées me rend indiscret ; mais votre propre cœur vous dira mieux que moi si vous n’avez pas voulu, par votre conduite, persuader à la mère ainsi qu’à la fille que vous aviez des vues honorables ; et dans ce cas, quoiqu’il n’existe peut-être point de promesse positive de mariage, je vous laisse à juger