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Page:Flammarion - La Planète Mars et ses conditions d’habitabilité, tome 2, 1909.djvu/174

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GLACES, BRUMES, GELÉE BLANCHE.

au-dessus du point d’ébullition martien de 59°. Ainsi, les torrents provenant de la glace fondue bouilliraient en traversant les terres, et une couche de brume, telle que l’a décrite M. Lockyer, prévaudrait sur une partie considérable de la planète.

J’ai déjà dit que la distribution normale de cette brume ou nuage de stratus mince devrait être tout autour des bords extérieurs du disque, tandis que les parties centrales de la planète devraient ordinairement rester claires en vertu de la radiation solaire et planétaire et de la convection qui doivent y être suffisantes pour retenir à l’état gazeux la plus grande partie, sinon la totalité des vapeurs soulevées par ces agents. M. Phillips rapporte qu’« une certaine brume a été constatée les 18 et 20 novembre 1862, telle que l’on n’en voit pas d’habitude sur Jupiter ou Saturne ; et que cette brume est devenue de plus en plus faible au fur et à mesure que les régions observées approchaient du méridien. » Cette frange de brume, produisant une disparition graduelle des taches en approchant du bord du disque, est un phénomène constant, noté par tous les observateurs. Cet aspect, aussi bien que les taches polaires blanches, les ont amenés à spéculer sur la base d’une atmosphère dense. Mon hypothèse d’une mince précipitation de gelée blanche dans une atmosphère légère s’accorde beaucoup mieux avec tous les faits, surtout avec l’absence de toutes masses nuageuses opaques et définies dans les régions centrales de la planète.

Si Mars n’a pas d’atmosphère, la luminosité de son disque devrait être égale partout. S’il a une atmosphère capable de réfléchir plus de lumière qu’il n’en est réfléchi du corps de la planète, elle doit avoir un degré d’opacité bien suffisant pour cacher toutes les différences entre les tons verdâtres et orangés des mers et des surfaces continentales, quel que soit l’angle sous lequel on les verrait à travers cet écran. Attendu que la luminosité de la planète est due à la lumière solaire réfléchie, et que son atmosphère ne peut recevoir sa lumière que de la même source, ou de la planète elle-même, je ne puis guère concevoir de conditions de densité, d’absorption et de réflexion, ou de ces trois causes réunies, embrassant toute l’atmosphère planétaire et capables d’expliquer les phénomènes combinés de luminosité croissant vers les bords du disque, et de transparence croissant vers les régions centrales. D’autre part, mon explication lève la difficulté de la manière la plus simple et la plus naturelle : parce que les pouvoirs réflecteurs de l’atmosphère et de la surface de la planète doivent être accrus aux bords du disque par la précipitation de la gelée blanche que j’ai décrite ; et, par le même agent, les taches aux bords seraient obscurcies[1], tandis que les régions centrales continueraient à rester claires.

Il ne m’est pas nécessaire de citer les observations concernant les « neiges » circumpolaires de Mars. Leur développement régulier autour de chaque pôle non dirigé vers le Soleil, et leur diminution au fur et à mesure que le pôle se retourne vers l’astre central, sont en si parfaite harmonie avec la description

  1. L’auteur veut dire ici oblitérées par la blancheur.