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Page:Flammarion - La Planète Mars et ses conditions d’habitabilité, tome 2, 1909.djvu/173

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LA PLANÈTE MARS.

oblitéreraient complètement les taches de la surface, en leur substituant une configuration très différente. Les taches nuageuses seraient aussi variables que les bandes de Jupiter, ou les taches nuageuses de Vénus, qui ont donné tant d’embarras et qui ont conduit les observateurs à des descriptions contradictoires. Les circonstances très favorables sous lesquelles les meilleures observations de Mars ont été faites permettraient aux observateurs d’observer et d’enregistrer la variation diurne des zones ou régions de nuages de la planète, de décrire leurs occasions intermittentes de voir les taches vertes et rougeâtres bien connues attribuées à des mers et à des terres, enfin de nous dire quelque chose des obscurcissements dus au mauvais temps sur Mars, obscurcissements qui cacheraient ces taches complètement à leur vue.

Eh bien ! on n’a rien vu de semblable. Il est vrai que M. Lockyer parle de « nuages » ; mais de quels nuages ? Exactement le genre de nuages qu’une atmosphère de 136mm ou 140mm et dont la température est au-dessous de 0° serait capable de supporter. Il dit : « En 1862, la planète était plus dépourvue de nuages et plus rougeâtre qu’en 1864. L’explication est que, lorsque Mars est nuageux, la lumière réfléchie des nuages éprouve moins d’absorption que celle réfléchie par la planète elle-même. »

À propos de ses observations de 1862, M. Lockyer fait remarquer que, « quoique la fixité complète des taches principales de la planète ait été mise hors de doute, il s’y effectue des changements quotidiens, voire horaires, des détails et des tons des diverses parties de la planète, claires et sombres. Ces changements sont produits, sans doute, par le passage de nuages par-dessus les diverses taches. »

Il est parfaitement d’accord avec les conditions que j’ai décrites que l’atmosphère de Mars puisse être soumise à cette sorte de variabilité vaporeuse, car la terre sèche exposée à l’éclat continu du Soleil, à travers une atmosphère si mince, doit être très considérablement échauffée, parfois peut-être jusqu’au point d’ébullition, tandis que les mers de glace ne sauraient se dégeler qu’à la surface seulement, en y élevant leur température au point de fusion de la glace. Ainsi l’air, en passant de la Terre vers l’eau, serait soumis à un refroidissement qui produirait une brume proportionnelle au degré de saturation de la vapeur d’eau. Avec une atmosphère si mince, ceci ne pourrait jamais équivaloir à quoi que ce soit de ressemblant à un nuage opaque ou à du brouillard. L’avance graduelle du soleil estival continu sur les régions glaciaires arctiques et antarctiques doit produire des écarts extrêmes de température, et une brume consécutive analogue à celle qui se rencontre dans la Norvège septentrionale, pendant les mois de mai et juin, jusqu’à ce que les neiges de l’hiver aient disparu ; mais cette brume serait, sur Mars, beaucoup plus transparente. Cette tendance atteindrait son maximum lorsqu’une grande avalanche de la montagne de glace polaire aurait rejeté un groupe de blocs de glace bien au delà des limites normales de la glace polaire, en les laissant épars sur la région qui, durant le long jour estival arctique, peut être chauffée par les rayons solaires libres