Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 1.djvu/238

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
190
CORRESPONDANCE

neige couvrira les toits. Non, je ne me trouve pas à plaindre quand je songe que j’ai ton amitié, que nous avons des heures libres ou entières à passer ensemble. Si tu venais à me manquer, que me resterait-il ? Qu’aurais-je dans ma vie intérieure, c’est-à-dire la vraie ?

Réponds-moi de suite ; tu devrais m’écrire plus souvent et plus longuement. J’ai lu hier soir, dans mon lit, le premier volume de Le rouge et le noir, de Stendhal ; il me semble que c’est d’un esprit distingué et d’une grande délicatesse. Le style est français ; mais est-ce là le style, le vrai style, ce vieux style qu’on ne connaît plus maintenant ?


101. À ERNEST CHEVALIER.
Croisset, 21 septembre [1845].

Je suis aise, mon bon Ernest, de te savoir si près de moi. Si j’étais libre, j’irais moi-même te voir pour ne pas priver ta mère du temps que, je l’espère, tu lui déroberas pour moi. Viens, ne fût-ce qu’un après-midi ; prends un convoi du matin, tu seras rentré le soir aux Andelys. Il y a longtemps que nous ne nous sommes vus, pauvre vieux. Nous devons avoir bien des choses à nous dire. Je te remercie de la lettre de Lorelli ; je lui répondrai.

Adieu, je t’attends d’un moment à l’autre.

Tout à toi.

Mille choses aux tiens.