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CORRESPONDANCE

puisse en être fier, et que du fond de mon trou, quand je saurai qu’on t’applaudit là-bas, je me dise : « C’est elle qui a fait cela, elle pensait à moi en le faisant ! »

Pourquoi repousses-tu si durement ce bon Philosophe qu’il s’en aperçoit et t’en fait des reproches ? Qu’a-t-il donc commis, ce pauvre diable, pour que tu le maltraites ? Ne néglige pas tes amis ; sois avec eux comme tu étais auparavant. Je ne veux rien t’ôter, entends-tu ? mais au contraire t’ajouter quelque chose.

J’ai assez ri à la description de l’entrée de Béranger chez Dumas, quand il a vu la dame en chemise. Quelle bonne balle que ce Dumas ! et quel chic de mœurs ! Sais-tu que cet homme-là, s’il manque de style dans ses écrits, en a furieusement dans sa personne ? Il fournirait lui-même un bien joli caractère, mais quel dommage qu’une aussi belle organisation soit tombée si bas ! La mécanique ! la mécanique ! Faire au meilleur marché possible, le plus possible, pour le plus grand nombre possible de consommateurs. On ne le lisait pas tant quand il faisait Angèle. Tout le monde le lit maintenant, par la raison qu’on boit plus habituellement du Médoc ordinaire que du Laffitte. On a beau dire, il y a, jusque dans les Arts, des popularités honteuses ; la sienne est du nombre.

Je travaille assez : tout le jour du grec et du latin, le soir l’Orient ! Mais quoique je m’occupe, je n’avance à rien. Je n’ai pas l’esprit libre ; il monte toujours à ton étage et se suspend à ta fenêtre pour voir par tes vitres ce qui s’y passe. On m’enverra demain de Paris un fauteuil pour