Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 1.djvu/92

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

G. Sand ; je la partage bien et avec la même réticence. J’ai lu peu de choses aussi belles que Jacques. Parles-en à Alfred.

Maintenant je ne lis guère. J’ai repris un travail depuis longtemps abandonné, un mystère, un salmigondis dont je crois t’avoir déjà parlé. Voici en deux mots ce que c’est : Satan conduit un homme (Smar) [sic] dans L’infini ; ils s’élèvent tous deux dans les airs à des distances immenses. Alors, en découvrant tant de choses, Smar est plein d’orgueil. Il croit que tous les mystères de la création et de L’infini lui sont révélés, mais Satan le conduit encore plus haut. Alors il a peur, il tremble, tout cet abîme semble le dévorer, il est faible dans le vide. Ils redescendent sur la terre. Là c’est son sol ; il dit qu’il est fait pour y vivre et que tout lui est soumis dans la nature. Alors survient une tempête, la mer va l’engloutir. Il avoue encore sa faiblesse et son néant. Satan va le mener parmi les hommes ; 1o le sauvage chante son bonheur, sa vie nomade ; mais tout à coup un désir d’aller vers la cité le prend, il ne peut y résister, il part. Voilà donc les races barbares qui se civilisent. 2o ils entrent dans la ville, chez le roi accablé de douleurs, en proie aux sept péchés capitaux, chez le pauvre, chez les gens mariés, dans l’église qui est déserte. Toutes les parties de l’édifice prennent une voix pour se plaindre ; depuis la nef jusqu’aux dalles, tout parle et maudit Dieu. Alors l’église devenue impie s’écroule. Il y a dans tout cela un personnage qui prend part à tous les événements et les tourne en charge. C’est Yuk, le dieu du grotesque. Ainsi à la première scène, pendant que Satan débauchait Smar par l’orgueil,