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CORRESPONDANCE

bousculait avec des cris. Ici, au Caire, nous avons assisté à des drôleries pareilles ; un de ces derniers soirs nous avons vu des dévots chanter les louanges d’Allah, dans une noce ; rangés en parallélogramme, ils se dandinaient en psalmodiant d’une façon monotone. Un d’entre eux donnait le ton et jetait régulièrement des cris aigus. Les bouffons sont parfaits et les plaisanteries d’iceux du meilleur goût. Un môme parlait à un sourd ; après avoir essayé de se faire entendre en lui criant alternativement à chacune de ses oreilles, il s’est mis à la fin, et de désespoir, à lui hurler dans le derrière.

Demain nous devons faire une partie sur l’eau avec plusieurs dames qui danseront au son du tarabouk, avec des crotales et leurs coiffures de piastres d’or. Avant-hier, nous fûmes chez une femme qui nous présenta à deux autres. L’appartement délabré et percé à tous les vents était éclairé par une veilleuse ; on voyait un palmier par la fenêtre sans carreaux, et les deux femmes turques avaient des vêtements de soie brochés d’or. C’est ici qu’on s’entend en contrastes : des choses splendides reluisent dans la poussière.

Adieu, pauvre vieux bougre. Écris quelquefois à ma mère, et préviens-la dès que tu auras reçu de mes nouvelles. Nous t’embrassons. Pioche raide… Adieu ; mille tendresses.


238. À SA MÈRE.
Le Caire, 2 décembre 1849.

Nous voici au Caire, pauvre chérie, où nous devons rester tout le mois de décembre, jusqu’au