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DE GUSTAVE FLAUBERT.

ger de l’objectif qui nous est soumis ? Il en vaut un autre. À prendre les choses impartialement, il y en a eu peu de plus fertiles. L’ineptie consiste à vouloir conclure. Nous nous disons : Mais notre base n’est pas fixe ; qui aura raison des deux ? Je vois un passé en ruines et un avenir en germe ; l’un est trop vieux, l’autre est trop jeune. Tout est brouillé. Mais c’est ne pas comprendre le crépuscule, c’est ne vouloir que midi ou minuit. Que nous importe la mine qu’aura demain ? Nous voyons celle que porte aujourd’hui. Elle grimace bougrement et par là rentre mieux dans le romantisme.

Où le bourgeois a-t-il été plus gigantesque que maintenant ? Qu’est-ce que celui de Molière à côté ? M. Jourdain ne va pas au talon du premier négociant que tu vas rencontrer dans la rue. Et la balle envieuse du prolétaire ? et le jeune homme qui se pousse ? et le magistrat ! et tout ce qui fermente dans la cervelle des sots, et tout ce qui bouillonne dans le cœur des gredins !

Oui, la bêtise consiste à vouloir conclure. Nous sommes un fil et nous voulons savoir la trame. Cela revient à ces éternelles discussions sur la décadence de l’art. Maintenant on passe son temps à se dire : Nous sommes complètement finis, nous voilà arrivés au dernier terme, etc., etc. Quel est l’esprit un peu fort qui ait conclu, à commencer par Homère ? Contentons-nous du tableau ; c’est aussi bon.

Et puis, ô pauvre vieux, est-ce qu’il n’y a pas le soleil (même le soleil de Rouen), l’odeur des foins coupés, les épaules des femmes de trente ans, le vieux bouquin au coin du feu et les porcelaines