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DE GUSTAVE FLAUBERT.

306. À LOUISE COLET.

Entièrement inédite.

Dimanche, 1 heure. [25 janvier 1852.]

Je commençais, pauvre chère amie, à être inquiet de toi quand j’ai reçu ce matin ta bonne lettre. De jour en jour je remettais à t’écrire pour savoir de tes nouvelles et j’avais fixé ce jourd’hui comme le dernier pour en attendre. J’avais en tête que tu étais malade.

Épouse de Mahomet ! je t’envoie Saint Antoine, un presse-papier et un petit flacon d’huile de santal ; il y en a les deux tiers de ma provision. Tu en verseras une demi-goutte sur n’importe quoi et tu verras ensuite quelle odeur. C’est le premier et le plus précieux parfum d’Orient. Comme je viens de t’arranger ce flacon, j’en ai un peu maintenant aux mains et cette senteur me rappelle les bazars du Caire et de Damas. Il me semble que je vais voir les chameaux s’agenouiller devant les boutiques ouvertes.

J’ai peur que le Saint Antoine ne se perde en route. Ce serait un jugement de la Providence définitif. Écris-moi donc aussitôt que tu auras reçu cette boîte que je mettrai moi-même demain au chemin de fer.

Voilà deux dimanches que le pauvre Bouilhet me fait faux bond. Depuis le lendemain de mon arrivée ici je n’ai donc vu âme qui vive. La Seine coule à pleins bords ; le petit bout des branches des arbres est déjà rouge.

J’ai travaillé avec ardeur. Dans une quinzaine