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DE GUSTAVE FLAUBERT.

avec une bonne foi d’enfant. C’est une poseuse, cette petite femme. La demande qu’elle a faite d’écrire à Bouilhet équivaut, selon moi, au geste d’ouvrir les cuisses. S’en doute-t-elle ? Ici est le point difficile à éclaircir. Je ne crois ni à sa constitution dérangée par les excès du mari, ni aux nuits passées « avec son esprit et avec son cœur » et cela surtout ne m’a semblé ni vrai, ni senti ; elle aime autre chose.

La passion de tête pendant 10 ans pour Hugo me paraît également une blague cyclopéenne. Le grand homme l’a dû savoir et, dès lors, en profiter en sa qualité de paillard qu’il est, à moins que cette passion ne soit encore une pose. Remarque qu’elle ne fait jamais que des demi-confidences, qu’elle n’avoue rien relativement à Énault. Il y a au fond de tout cela bien de la misère ! Qu’elle mente sciemment, il se peut que non. On n’y voit pas toujours clair en soi et, surtout lorsqu’on parle, le mot surcharge la pensée, l’exagère, l’empêche même. Les femmes, d’ailleurs, sont si naïves, même dans leurs grimaces, on prend si bien son rôle au sérieux, on s’incorpore si naturellement au type que l’on s’est fait ! Mais il y a d’autre part une telle idée reçue qu’il faut être chaste, idéal, qu’on doit n’aimer que l’âme, que la chair est honteuse, que le cœur seul est de bon ton. Le cœur ! le cœur ! oh ! voilà un mot funeste ; et comme il vous mène loin !

L’envie de remonter chez toi, le jour du prix, la voiture qu’on attend sous la porte, à la pluie, etc., cela est vrai, par exemple, de même que l’embêtement du poids marital à porter. Mais elle ne dit pas que, sous lui, elle rêvait un autre