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CORRESPONDANCE

celle des autres hommes ? L’art n’est pas un jeu d’esprit ; c’est une atmosphère spéciale. Mais qui dit qu’à force de descendre toujours plus avant dans les gouffres pour respirer un air plus chaud, on ne finit [pas] par rencontrer des miasmes funèbres ? Ce serait un joli livre à faire que celui qui raconterait l’histoire d’un homme sain (il l’est peut-être, lui ?) enfermé comme fou et traité par des médecins imbéciles.

Je te déclare que la mère Roger m’excite beaucoup. Les polonais, sont immenses et l’haleine donc ! Et le mot de ta servante : « Cette dame-là fait la noce ». Sacré nom de Dieu ! Tu m’accorderas que je l’avais un peu bien jugée en ne croyant pas inébranlablement à ses sentimentalités. Oh ! la Pohésie, quelle pente ! Quelle planche savonnée pour l’adultère ! N’importe, je me réjouis immensément d’avance du couple. Je me fais le tableau en imagination. Mais il l’effondrera, la malheureuse ! Car c’est un rude mâle et, comme disent les cuisinières, capable de donner bien de la satisfaction à une femme.

La phrase du pamphlet sur le muet du sérail est splendide. Voilà qui est précis, tourné, juste et neuf. Je ne sais si l’institutrice se chargera de la commission ; en tout cas je compte sur toi. Babinet ne t’a pas apporté l’Âne d’or ? Lis-tu ce brave Bergerac ? J’ai relu avant-hier, dans mon lit, Faust. Quel démesuré chef-d’œuvre ! C’est ça qui monte haut et qui est sombre ! Quel arrachement d’âme dans la scène des cloches ! Il a dû paraître aujourd’hui, dans la Revue de Paris, deux pièces de vers de Bouilhet.

T’ai-je dit que j’ai été, il y a quelques jours, à un