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DE GUSTAVE FLAUBERT.

mon temps. Je suis à peu près au quart de ma besogne. J’en ai encore pour deux ans.


606. À ERNEST FEYDEAU.
[Croisset, mai 1859 ? ]

[…] Non, Amyot ne m’a envoyé aucune feuille.

Je suis plus bégueule que toi et je repousse systématiquement autre chose que le mauvais langage. Car je ne crois pas que l’on puisse tout bien dire. Il y a des idées impossibles (celles qui sont usées, par exemple, ou foncièrement mauvaises), et comme le style n’est qu’une manière de penser, si votre conception est faible, jamais vous n’écrirez d’une façon forte. Exemple : je viens de recorriger mon ive chapitre. C’est un tour de force (je crois) comme concision et netteté, si on l’examine phrase à phrase ; ce qui n’empêche pas que le susdit chapitre ne soit assommant et ne paraisse très long et très obscur, parce que la conception, le fond ou le plan (je ne sais) a un vice secret que je découvrirai. Le style est autant sous les mots que dans les mots. C’est autant l’âme que la chair d’une œuvre.

Je vais ce soir commencer mon vie chapitre. Me voilà donc au tiers, et encore dans ce premier tiers, bien des choses seront à modifier, j’en suis sûr.

Et ne donne pas, ô mon ami, dans cette scie commode dont je suis embêté : « Tu es bien heureux de pouvoir travailler sans te presser, grâce à