Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 5.djvu/161

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
155
DE GUSTAVE FLAUBERT

cette condescendance touche à l’improbité. Car, du moment que vous offrez une œuvre, si vous n’êtes pas un coquin, c’est que vous la trouvez bonne. Vous avez dû faire tous vos efforts, y mettre toute votre âme. Une individualité ne se substitue pas à une autre. Un livre est un organisme compliqué. Or toute amputation, tout changement pratiqué par un tiers le dénature. Il pourra être moins mauvais, n’importe, ce ne sera pas lui !

Mme Régnier n’est pas en cause, mais je vous assure, mon bon, que vous êtes sur une pente et que vous autres, journaux, vous contribuez par là encore à l’abaissement des caractères, à la dégradation, chaque jour plus grande, des choses intellectuelles.

Je vous montrerai le manuscrit de la Bovary, orné des corrections et suppressions de la Revue de Paris. C’est curieux. On m’objectait, pour me calmer, l’exemple d’Arn. Frémy et d’Éd. Delessert.

Il est certain que Chateaubriand aurait gâté un manuscrit de Voltaire et que Mérimée n’aurait pu corriger Balzac. Bref, nous nous sommes si bien fâchés que mon procès est sorti. Ces messieurs avaient tort, et pourtant quels malins ! Laurent-Pichat, le bon Du Camp et le père Kauffmann de Lyon, fort en soieries, Fovard, notaire. Là-dessus, mon vieux, je vous bécote.