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CORRESPONDANCE

avec les yeux humides, je me suis trouvé criminel et me suis dit : « Assez ». (Trois personnes m’attendrissent : Delannoy, Tourgueneff et mon domestique.) Bref, c’est fini. J’imprime ma pièce, vous la recevrez vers la fin de la semaine.

Tous les partis m’éreintent ! le Figaro et le Rappel, c’est complet ! Des gens que j’ai obligés de ma bourse ou de mes démarches me traitent de crétin. Jamais je n’ai eu moins de nerfs. Mon stoïcisme (ou orgueil) m’étonne moi-même, et quand j’en cherche la cause, je me demande si vous, chère maître, vous n’en êtes pas une des causes.

Je me rappelle la première de Villemer, qui fut un triomphe, et la première des Don Juan de village, qui fut une défaite. Vous ne savez pas combien je vous ai admirée, ces deux fois-là ! La hauteur de votre caractère (chose plus rare encore que le génie) m’édifia, et je formulai en moi-même cette prière : « Oh ! que je voudrais être comme elle, en pareille occasion ! ». Qui sait, votre exemple m’a peut-être soutenu ? Pardon de la comparaison ! Enfin je m’en bats l’œil profondément. Voilà le vrai.

Mais j’avoue que je regrette les milles francs que j’aurais pu gagner. Mon petit pot au lait est brisé. Je voulais renouveler le mobilier de Croisset ; bernique !

Ma répétition générale a été funeste. Tous les reporters de Paris ! On a pris tout en blague. Je vous soulignerai dans votre exemplaire les passages que l’on a empoignés. Avant-hier et hier on ne les empoignait plus ! Tant pis ! il est trop tard. La superbe de Cruchard l’a peut-être emporté.