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CORRESPONDANCE

la trouve « bête et mal écrite » ? Suit un parallèle entre moi et Gondinet.

Une des choses les plus comiques de ce temps, c’est l’arcane théâtral. On dirait que l’art du théâtre dépasse les bornes de l’intelligence humaine, et que c’est un mystère réservé à ceux qui écrivent comme les cochers de fiacre. La question du succès immédiat prime toutes les autres. C’est l’école de la démoralisation. Si ma pièce avait été soutenue par la direction, elle aurait pu faire de l’argent comme une autre. En eût-elle été meilleure ?

La Tentation ne se porte pas mal. Le premier tirage à deux mille exemplaires est épuisé. Demain le second sera livré. J’ai été déchiré par les petits journaux et exalté par deux ou trois personnes. En somme, rien de sérieux n’a encore paru et, je crois, ne paraîtra. Renan n’écrit plus (dit-il) dans les Débats, et Taine est occupé de son installation à Annecy.

Je suis exécré par les sieurs Villemessant et Buloz, qui feront tout leur possible pour m’être désagréables. Villemessant me reproche de ne pas m’être « fait tuer par les Prussiens ». Tout cela est à vomir !

Et vous voulez que je ne remarque pas la sottise humaine et que je me prive du plaisir de la peindre ! Mais le comique est la seule consolation de la vertu ! Il y a d’ailleurs une manière de la prendre qui est haute ; c’est ce que je vais tâcher de faire dans mes deux bonshommes. Ne craignez pas que ce soit trop réaliste ! J’ai peur, au contraire, que ça ne paraisse impossible, tant je pousserai l’idée à outrance. Ce petit travail, que