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CORRESPONDANCE

Cluny et maintenant le Directeur est en train de lire le Sexe faible.

Mais je n’aurai sa réponse qu’à mon retour de Suisse.

Que dis-tu aussi du jeune Rohant, qui n’a pas répondu à ma lettre et qui n’est même pas venu prendre chez mon portier un exemplaire de Saint Antoine qu’il avait réclamé avec passion !

Là-dessus, je t’embrasse, et m’enfuis vers les hauts sommets.

Ton


1465. À TOURGUENEFF.
Jeudi, 2 juillet 1874.
Kaltbad, Rigi, Suisse.

Moi aussi j’ai chaud, et je possède cette supériorité ou infériorité sur vous que je m’embête d’une façon gigantesque. Je suis venu ici pour faire acte d’obéissance, parce qu’on m’a dit que l’air pur des montagnes me dérougirait et me calmerait les nerfs. Ainsi soit-il. Mais jusqu’à présent je ne ressens qu’un immense ennui, dû à la solitude et à l’oisiveté ; et puis, je ne suis pas l’homme de la Nature : « ses merveilles » m’émeuvent moins que celles de l’Art. Elle m’écrase sans me fournir aucune « grande pensée ». J’ai envie de lui dire intérieurement : « C’est beau ; tout à l’heure je suis sorti de toi ; dans quelques minutes j’y rentrerai ; laisse-moi tranquille, je demande d’autres distractions. » Les Alpes, du reste, sont en disproportion avec notre individu. C’est trop grand pour nous être utile. Voilà la troisième fois