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DE GUSTAVE FLAUBERT.

qu’elles me causent un désagréable effet. J’espère que c’est la dernière. Et puis mes compagnons, mon cher vieux, ces messieurs les étrangers qui habitent l’hôtel ! tous Allemands ou Anglais, munis de bâtons et de lorgnettes. Hier, j’ai été tenté d’embrasser trois veaux que j’ai rencontrés dans un herbage, par humanité et besoin d’expansion. Mon voyage a mal commencé, car je me suis fait, à Lucerne, extraire une dent par un artiste du lieu. Huit jours avant de partir pour la Suisse j’ai fait une tournée dans l’Orne et le Calvados et j’ai enfin trouvé l’endroit où je gîterai mes deux bonshommes. Il me tarde de me mettre à ce bouquin-là, qui me fait d’avance une peur atroce.

Vous me parlez de Saint Antoine et vous me dites que le gros public n’est pas pour lui. Je le savais d’avance, mais je croyais être plus largement compris du public d’élite. Sans Drumont et le petit Pelletan, je n’aurais pas eu d’article élogieux. Je n’en vois venir aucun du côté de l’Allemagne. Tant pis ! à la grâce de Dieu ; ce qui est fait est fait et puis, du moment que vous aimez cette œuvre-là, je suis payé. Le grand succès m’a quitté depuis Salammbô. Ce qui me reste sur le cœur, c’est l’échec de l’Éducation sentimentale ; qu’on n’ait pas compris ce livre-là, voilà ce qui m’étonne.

J’ai vu jeudi dernier le bon Zola qui m’a donné de vos nouvelles (car votre lettre du 27 m’a rattrapé à Paris, le lendemain). Sauf vous et moi, personne ne lui a parlé de la Conquête de Plassans, et il n’a pas eu un article, ni pour ni contre. Le temps est dur pour les Muses. Paris m’a d’ailleurs semblé plus bête et plus plat que jamais. Si déta-