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CORRESPONDANCE

cela simplement sublime. Ce Scythe est un immense bonhomme.

Je ne suis pas maintenant dans une littérature aussi haute. Tant s’en faut ! Je bûche et surbûche le Sexe faible. En huit jours j’ai écrit le premier acte. Il est vrai que mes journées sont longues. J’en ai fait une, la semaine dernière, de dix-huit heures, et Cruchard est frais comme une jeune fille, pas fatigué, sans mal de tête. Bref, je crois que je serai débarrassé de ce travail-là dans trois semaines. Ensuite, à la grâce de Dieu.

Ce serait drôle si la bizarrerie de Carvalho était couronnée de succès.

J’ai peur que Maurice n’ait perdu sa dinde truffée, car j’ai envie de remplacer les trois vertus théologales par la face du Christ qui apparaît dans le soleil. Qu’en dites-vous ? Quand cette correction sera faite, et que j’aurai renforcé le massacre à Alexandrie et clarifié le symbolisme des bêtes fantastiques, Saint Antoine sera irrévocablement fini, et je me mettrai à mes deux bonshommes, laissés de côté pour la comédie.

Quelle vilaine manière d’écrire que celle qui convient à la scène ! Les ellipses, les suspensions, les interrogations et les répétitions doivent être prodiguées si l’on veut qu’il y ait du mouvement, et tout cela en soi est fort laid.

Je me mets peut-être le doigt dans l’œil, mais je crois faire maintenant quelque chose de très rapide et facile à jouer. Nous verrons.

Adieu, chère bon maître, embrassez tous les vôtres pour moi.

Votre vieille bedolle Cruchard, ami de Chalumeau.